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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Willy c Ashton - Jugement séparé du Juge Anglais [1917] VUTM 38; No 358 (18 December 1917)

TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES-HEBRIDES


TRADUCTION


AFFAIRE No 358


Jugement séparé du Juge Anglais.


AUDIENCE CIVIL EDU MARDI 18 DECEMBRE 1917


ENTRE : INDIGENES DE LELEPPA


ET: PERCIVAL G: ASHTON


Dans cette affaire, certains indigènes de LELEPPA, assistés par M. SEAGOE, Avocat d'office, ont cité Pereival G. ASHTON à comparaître devant le Tribunal Mixte comme suit:


CITATION A COMPARAITRE


Attendu que le dit Sieur ASHTON a pénétré sur la propriété des plaignants à Port-Havannah, connue sous le nom de BALAU, laquelle propriété a été occupée par eux et leur tribu depuis plus de trente ana et que Capitaine ASHTON revendique en vertu d'un titre contesté par les demandeurs,


S'entendre ledit Capitaine ASHTON condamné à cesser toute occupation ou prise de possession ou y faire acte de propriétaire jusqu'au moment où le Tribunal Mixte aura statué sur l'établissement ou réglement définitif du titre de propriété.


En réalité, cette citation, dans sa forme anglaise originale, est une requête des demandeurs au Tribunal Mixte pour qu'il ordonne une "injunction" (suivant la loi anglaise) contre le défendeur, c'est-à-dire que ce dernier s entende condamné à cesser toute occupation du terrain en litige jusqu'au moment du règlement définitif du titre de propriété.


De la part du défendeur, il est admis que les demandeurs ont cultivé le terrain contesté de temps en temps et qu'ils l'occupent depuis longtemps, qu'ils en étaient les occupants au moment du présent différend.


De la part demandeurs il est admis que le défendeur a passé un contrat avec une certaine femme indigène nommée MOKAU, de LELEPPA, mais ils ne reconnaissent pas la validité de ce titre il semble d'ailleurs que le dit contrat puisse être opposé en raison d'un manque d'observation des dispositions de l'article XXVII de la Convention.


M. l'avocat des Indigènes soutient qu'il n'est point nécessaire de déterminer la questions de propriété; il argue que cette affaire est de la compétence attribuée au Tribunal Mixte en matière civile par l'article XII (1) B de la Convention, ainsi conçu: Pour les litiges de toute nature entre indigènes et non-indigènes que la loi applicable est a celle définie par l'article XIII (1) B: Pour les autres litiges, la loi applicable à la partie non-indigène d'après son statut personnel.


que les demandeurs ont donc droit à ce que le Tribunal Mixte ordonne "an injuction" suivant la loi anglaise à fin d'empêcher que leur occupation paisible du terrain en question ne soit troublée par le défendeur, qui est citoyen anglais.


Je ne me trouve pas d'accord avec cet argument. L'article XII distingue entre la compétence générale du Tribunal Mixte (1) B. Pour les litiges de toute nature entre indigènes et non indigènes et (1) A Pour tous les litiges immobiliers dans l'Archipel;


Le sens de cette dernière phrase, particulièrement dans texte anglais, est tellement étendu qu'il me semble difficile que la présente affaire n'y soit pas visée.


Le sens de l'article suivant est même plus étendu dans le texte anglais; Il dispose XIII (1) A que la loi applicable sera Pour les litiges immobiliers, les règles spéciales tracées par la présente Convention.


Sous le titre Régime immobilier sont groupés les articles XXII - XXVII de la Convention. L'article XXII réglemente spécialement les litiges immobiliers entre non-indigènes et indigènes; l'article XXIII, les litiges immobiliers entre non-indigènes. Quant aux articles précités, de même que les autres articles compris dans le titre ci-dessus, ils me semblent viser la détermination par 1e Tribunal Mixte de tous les droits aux ou à l'égard des terrains, après examen des réclamations qui lui sont soumises, soit que d'un côté ces réclamations soient basées (dans le cas de non-indigènes) sur des titres ou l'occupation ou une combinaison des deux; soit que (dans le cas des indigènes) elles soient basées sur l'occupation, dans le sens le plus étendu de ce mot.


Mon opinion, s'est affermie en considérant le jugement qu'a rendu le Tribunal Mixte (à cette époque composé de trois autres juges qu'à l'heure actuelle) dans l'affaire KALSAKAU c/ COURTOIS, jugée en Octobre1912. Cette affaire avait beaucoup de ressemblance avec la présente, sauf qu'elle a été protée comme une demande de réintégrande contre le défendeur, qui était Français. Le Tribunal a débouté le demandeur de sa demande pour la raison que l'affaire fut un litige immobilier qui aurait dû être jugé pas suivant le système légal du défendeur, mais d’après les principes de la Convention qui réglemente les litiges immobiliers. Il est possible que nous ne soyons pas absolument obligés de decider dans le même sens que cette décision antérieur du Tribunal, mais il ne semble que nous devons avoir de très sérieuses raisons avant de la rejeter.


Depuis la date de l'affaire KALSAKAU-COURTOIS, la situation été modifiée radicalement par la décision conjointe des Gouvernements anglais et français (Voir Notification du 27 Juillet 1915 et la Gazette) qui suspend les services d'immatriculation du Tribunal Mixte pendant la durée de la Guerre.


En présence de cette décision, je suis d'avis que le Tribunal Mixte n'a pas compétence dans le litige qui lui est actuellement soumis et je suis d'avis, en conséquence, que les demandeurs soient déboutés de leur demande, mais que les frais soient partagés -


Tandis que je suis amené à ces conclusions par les raisons données ci-dessus, il me sera peut-être permis d’exprimer l'avis que les indigènes ont souffert et continuent à souffrir très injustement, en raison de l'absence de la Convention de dispositions précises qui donneraient un moyen de protéger l'occupation indigène en attendant l'établissement définitif du titre de propriété.


Il n'est pas apparent que la Convention vise l'indigène comme demandeur du Tribunal d'un titre de propriété de nature à lui assurer la propriété incontestable d'une superficie déterminée et définitivement délimitée. Il est considéré plutôt comme l'opposant vis à vis des réclamants non-indigènes et dans l'état de choses actuel, il n'y a rien dans le cas d'un non-indigène, qui occupe des terrains indigènes - qui l'oblige à faire parvenir une demande devant le Tribunal (sauf les dispositions de l'Article XXVII)


Cette injustice est naturellement aggravée par la suspension des services du Tribunal Mixte relativement à l'immatriculation. La seule disposition que je puisse trouver dans la Convention, qui pourrait être invoquée à cet égard, est celle de l'Article XXIV. Le pouvoir qui y est donné au Tribunal Mixte d'attribuer des réserves est indépendant de tout établissement de titre et il dépend seulement d'une considération des besoins des indigènes. Je suis d'avis qu'en cas de nécessité on pourrait avoir recours à ce pouvoir, comme sauvegarde, même pendant la suspension des litiges.


Mais, à mon avis pour la complète protection des indigènes dans la possession de leurs terrains, il y a besoin de deux choses:


1° Une disposition spéciale des Gouvernements que donnera compétence au Tribunal Mixte pour protéger une possession de facto 'des indigènes en attendant qu'il statue définitivement sur la question de propriété-


2° La décision d'un délai à l'expiration duquel aucune requête à fin d’immatriculation ne sera recevable par le Tribunal Mixte sauf dans les formes de l'article XXVII (Ventes et cessions d'immeubles postérieures à la Convention).


Le Juge ANGLAIS



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